Editor’s Note / Note de l’éditeur

The following article is part of Computer Modelling and Simulation for Literary–Historical Research: VESPACE and Social Physics, a special issue that details the rationales, objectives, and strategies for authoring a playable experience of eighteenth-century public sociability in the context of the VESPACE project’s goals to construct an immersive and interactive virtual reality model of an eighteenth-century Paris Fair theatre. The co-authored introductory article (Jeffrey M. Leichman and Ben Samuel) includes an in-depth discussion of the history, ambitions, and methodologies of the project. The second part of the special issue features separate contributions from two participants (Paul François and Daniel DeKerlegand) in the May 2020 social physics authoring workshop who provide technical insight into the affordances and challenges of this experience. The third part features four additional short essays that offer informed perspectives from emerging literary scholars who participated in the authoring workshop (Louise Moulin, Charlee M. Bezilla, Julien Le Goff, and Chiara Azzaretti), drawing on individual research pursuits to outline the disciplinary stakes of authoring computer simulation rules in the framework of the VESPACE project, while also looking ahead to potential futures for this kind of experimental work in literary-historical digital humanities.

L’article suivant fait partie de Modélisation et simulation informatiques pour la recherche en histoire littéraire : VESPACE et la physique sociale, un numéro spécial qui détaille les justifications, les objectifs et les stratégies pour rédiger une expérience jouable de la sociabilité publique du XVIIIe siècle dans le contexte du projet VESPACE, qui vise à construire un modèle immersif et interactif en réalité virtuelle d’un théâtre de Foire parisien du XVIIIe siècle. L’article d’introduction (co-écrit par Jeffrey M. Leichman et Ben Samuel) comprend une discussion approfondie de l’histoire, des ambitions et des méthodologies du projet. La deuxième partie du numéro spécial présente les contributions respectives de deux participants à l’atelier expérimental sur le codage en physique sociale de mai 2020 (Paul François et Daniel DeKerlegand), qui donnent un aperçu technique des moyens et des défis de cette expérience. La troisième partie comporte quatre courts essais, publiés ensemble, qui offrent des points de vue informés de nouveaux spécialistes de la littérature qui ont participé à l’atelier de codage (Louise Moulin, Charlee M. Bezilla, Julien Le Goff et Chiara Azzaretti), et qui s’appuient sur des recherches individuelles pour définir les enjeux disciplinaires de la rédaction de règles de simulation informatique dans le cadre du projet VESPACE, tout en regardant également vers l’avenir potentiel pour ce type de travail expérimental en humanités numériques historico-littéraires.

Paul François : Restitution sociale, restitution spatiale : difficultés et enjeux

Abstract

La restitution de l’environnement architectural d’un spectacle forain à Paris au XVIIIe siècle est le travail qui nous occupe depuis près de trois ans dans le projet VESPACE (Virtual Early modern Spectacles and Publics, Active and Collaborative Environment). Ce projet vise à permettre de faire revivre une soirée théâtrale à la Foire Saint-Germain à Paris au XVIIIe siècle, non seulement en expérimentant l’espace et la représentation théâtrale, mais aussi les situations sociales. Il s’agit, concernant la restitution spatiale, de rassembler un ensemble de documents, qui peuvent prendre des formes différentes, pour tenter de produire le modèle tridimensionnel de théâtre qui soit le plus vraisemblable au regard de l’état des connaissances de la communauté scientifique sur le sujet. Dans cet essai, nous présenterons dans un premier temps les enjeux d’une telle restitution avant de les comparer à l’expérience vécue, dans un domaine a priori éloigné de l’architecture, qui est celui de restitution des comportements d’époque grâce au travail réalisé dans le séminaire social physics qui a eu lieu virtuellement du 17 au 22 mars 2020. Nous montrerons ainsi comment les informations issues de la littérature du dix-huitième siècle sont pertinentes pour la restitution architecturale, mais également comment les méthodes que nous avons employées pour la restitution architecturale peuvent servir à éviter des biais épistémologiques dans social physics. Enfin, nous proposerons des pistes permettant d’intégrer à terme la question de l’espace dans la modélisation des comportements sociaux pour ce type de restitution.

The restitution of the architectural environment of a Fair theatre spectacle in Paris in the eighteenth century has been a central preoccupation for nearly three years in the VESPACE (Virtual Early Modern Spectacles and Publics, Active and Collaborative Environment) project. This project aims to revive a theatrical evening at the Foire Saint-Germain in Paris in the 18th century, not only by experimenting with space and theatrical representation, but also with social situations. With regard to spatial restitution, the task is to assemble a set of documents, which can take different forms, that will produce the most likely three-dimensional theatre model given the state of knowledge of the scientific community on the subject. This essay first presents the stakes of such a restoration before comparing them with the experience in a field apparently unrelated to architecture: the restoration of period behaviours carried out in the social physics seminar that took place virtually from 17 to 22 March 2020. The essay shows how information from eighteenth-century literature is relevant for architectural restoration, but also how methods used for architectural restitution can help to avoid epistemological biases in social physics. Finally, we will propose ways to eventually integrate the issue of space in the modelling of social behaviours for this type of restitution.

Introduction

La restitution de l’environnement architectural d’un spectacle forain à Paris au XVIIIe siècle est le travail qui nous occupe depuis près de trois ans dans le projet VESPACE (Virtual Early modern Spectacles and Publics, Active and Collaborative Environment). Ce projet vise à permettre de faire revivre une soirée théâtrale à la Foire Saint-Germain à Paris au XVIIIe siècle, non seulement en expérimentant l’espace et la représentation théâtrale, mais aussi les situations sociales. Il s’agit, concernant la restitution spatiale, de rassembler un ensemble de documents, qui peuvent prendre des formes différentes, pour tenter de produire le modèle tridimensionnel de théâtre qui soit le plus vraisemblable au regard de l’état des connaissances de la communauté scientifique sur le sujet. Dans cet essai, nous présenterons dans un premier temps les enjeux d’une telle restitution avant de les comparer à l’expérience vécue, dans un domaine a priori éloigné de l’architecture, qui est celui de restitution des comportements d’époque grâce au travail réalisé dans le séminaire social physics qui a eu lieu virtuellement du 17 au 22 mars 2020. Nous montrerons ainsi comment les informations issues de la littérature du dix-huitième siècle sont pertinentes pour la restitution architecturale, mais également comment les méthodes que nous avons employées pour la restitution architecturale peuvent servir à éviter des biais épistémologiques dans social physics. Enfin, nous proposerons des pistes permettant d’intégrer à terme la question de l’espace dans la modélisation des comportements sociaux pour ce type de restitution.

Afin de reconstruire virtuellement et en trois dimensions un espace disparu (pensons à un monument par exemple) une recherche préliminaire de documentation est nécessaire, recherche qui s’oriente naturellement vers les représentations graphiques comme les peintures, gravures ou plans. Malgré un développement certain dans le domaine de l’archéologie, la modélisation tridimensionnelle pour la restitution historique appuyée sur des sources iconographiques ou écrites est encore peu répandue : on peut néanmoins citer l’article de Mathieu Rocheleau (Rocheleau 2010), la thèse d’Aurélie Favre-Brun qui dresse un panorama des méthodes et des risques de liés à la restitution tridimensionnelle pour le patrimoine (Favre-Brun 2013), ou la thèse de Paul François (François 2021a). Parmi tous les documents existants, les œuvres littéraires ne sont pas a priori une source de prédilection pour la modélisation de bâtiments. En effet, lorsque les descriptions existent, leur interprétation est souvent trop complexe pour être interprétée, il suffit pour s’en convaincre de visualiser la multitude de restitutions possibles d’un monument décrit dans l’Antiquité comme le Phare d’Alexandrie. Dans le cas spécifique des romans, il faut attendre les auteurs réalistes du XIXe siècle pour que la description de l’espace et du milieu occupe une place importante dans le texte (Becker 2005).

Dans le cadre de la restitution des salles de spectacle de la Foire Saint-Germain à Paris au XVIIIe siècle, nous nous sommes appuyés sur de nombreux documents graphiques pour restituer un cadre spatial qui colle au mieux aux représentations. Une fois ces espaces restitués en trois dimensions, la question de leur usage s’est immédiatement posée : le spectacle sur scène est, on le sait, une part infime des activités qui prennent place dans la salle lors d’une soirée théâtrale au dix-huitième siècle. Le théâtre est au siècle des Lumières un lieu de sociabilité où il faut être vu et regarder les autres, un lieu de rencontre et de frictions parfois entre les classes sociales. Cette composante est essentielle à la restitution spatiale, parce qu’elle permet d’une part de vérifier la justesse de notre restitution (permet-elle des usages qui sont attestés par les textes ?), et également d’en expliquer la complexité au grand public.

Enjeux d’une restitution virtuelle

L’objectif de la restitution de certains lieux de spectacle de la Foire Saint-Germain à Paris au XVIIIe siècle est multiple. D’un point de vue de l’histoire des spectacles, il s’agit principalement de tenter de reconstruire virtuellement et en trois dimensions des salles de spectacles qui ont disparu pour la plupart au cours du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle. Établies dans l’enceinte de la Foire Saint-Germain ou dans les alentours, elles n’ont pas perduré suite d’une part aux déplacements des entrepreneurs de spectacles au cours du XVIIIe siècle, mais également aux importantes modifications qu’a subi le quartier Saint-Germain à Paris au cours de ce siècle et du suivant : tant la Foire elle-même que les jeux de paume du quartier ont été détruits pour faire place à des immeubles d’habitation à mesure de la densification de la capitale. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les plans de Paris entre les XVIIe et XIXe siècles : le faubourg Saint-Germain, quartier champêtre au début du XVIIe siècle, devient un quartier dense et intégré au XIXe siècle (François 2021b).

Pourtant, ces lieux de spectacles revêtent une importance non négligeable pour l’histoire du théâtre en France. Non seulement ils formaient alors des lieux de divertissement très prisés de la population parisienne, mais ils sont également le berceau d’un genre particulier né de la concurrence de ces spectacles avec l’Académie Royale de Musique ou la Comédie-Française : l’opéra-comique. Ce qui deviendra une institution parisienne naît dans les loges des foires Saint-Germain et Saint-Laurent dans les années 1710. La restitution de ces lieux revêt donc une importance majeure pour restituer, à leur tour, les conditions d’émergence et de représentation des spectacles forains.

La modélisation en trois dimensions a nécessité le recours à plusieurs sources, parmi lesquelles des miniatures de Louis-Nicolas Van Blarenberghe représentant des spectacles vers 1760. Le travail de confrontation des sources anciennes est toujours délicat, même pour des sources graphiques. L’exemple des représentations de la Foire Saint-Germain, qui abritait des salles de spectacles, est éloquent : de 1550 jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, les plans de Paris la représentent tantôt comme deux ou trois halles, sans ou avec un toit, avec ou sans fenêtres… C’est l’expérience de l’architecte et d’une lecture attentive des différentes représentations qui a permis de définir la représentation la plus probable de ce lieu. La même démarche a été entreprise pour la restitution d’une salle de théâtre de marionnettes à la Foire Saint-Germain, à partir d’une des miniatures de Blarenberghe. Il en résulte un modèle qui n’est qu’hypothèse et résulte d’une lecture d’un ensemble de sources, lecture biaisée qui pourrait se voir contredite par l’apparition d’une autre source à l’avenir (François et al. 2019).

Permettre à chaque visiteur d’accéder à l’ensemble de ces sources, et donc de visualiser le cheminement entre les documents bruts et les hypothèses matérialisées (ou plutôt virtualisées) sous forme de représentation tridimensionnelle, est donc un bon moyen d’insister sur l’existence d’un champ de possibilités d’autres interprétations. Pour cette raison, en réalité virtuelle, chaque utilisateur peut avoir accès à l’ensemble des sources contenues dans une base de données et qui viennent éclairer et contextualiser n’importe quel objet de l’expérience virtuelle. Ce système, nommé PROUVÉ, est l’un des outils majeurs permettant de mettre en place un concept cher au projet VESPACE, image depth ou profondeur de l’image. Une quatrième dimension, qui correspond à l’information supplémentaire contenue dans le modèle, est désormais ajoutée à l’image virtuelle, qui le rend propice au même travail de vérification qu’une hypothèse formulée dans un article ou une monographie.

L’apport de l’étude des comportements sociaux à la restitution spatiale

L’enjeu de social physics dans le cadre du projet VESPACE est donc de restituer la sociabilité des femmes et des hommes dans un espace public (tel qu’une salle de théâtre) du dix-huitième siècle. Pour cela, des textes littéraires sont étudiés, et les situations sociales qu’ils décrivent sont extraites, analysées et enregistrées dans une base de données. Dès à présent le parallèle avec le travail de restitution spatiale est saisissant : il s’agit dans ce cas d’étudier des sources, comme des représentations, de les analyser et de les déconstruire, et de les enregistrer dans une base de données que l’on pourra ensuite afficher comme référence lors d’une visite du résultat en réalité virtuelle. À ce titre, plusieurs biais rencontrés lors de la réalisation du modèle virtuel sont possibles d’apparaître également dans la restitution d’un modèle de physique sociale. Quels sont-ils ?

Le biais de représentativité, dans un premier temps, impose de cerner si une source décrit une situation exceptionnelle (qui aurait donc le mérite d’être peinte ou décrite) ou une situation commune. Le cas des anecdotes théâtrales est à ce titre intéressant : la compilation de ces événements exceptionnels donne une idée d’une représentation théâtrale toujours pleine de rebondissements extraordinaires, de bons mots, d’agressions. Il est probable que la réalité était sans doute plus calme, et les situations extraordinaires l’étaient suffisamment pour que leur souvenir ait rempli les pages de livres. Dans l’étude des représentations visuelles, le problème se pose légèrement différemment. Les miniatures de Blarenberghe, par exemple, font apparaître des lieux communs du peintre, c’est-à-dire des thèmes ou des personnages qui apparaissent dans plusieurs œuvres de ce miniaturiste renommé. La présence de chiens ou chiots est par exemple commune dans la production de Louis-Nicolas van Blarenberghe, de même que la thématique des spectacles ou Kermesses (Méjanès, De Château-Thierry, et Maillet-Chassagne 2006). Concernant les spectacles, le personnage de Dame Gigogne apparaît également sur plusieurs représentations. Ils ne traduisent probablement pas une représentation de la réalité, mais des envies de l’artiste.

Le biais de déformation, quant à lui, est dû à la difficulté de représentation d’un fait avec une technique donnée. Pour reprendre le cas de la miniature de Blarenberghe, le peintre a dû particulièrement déformer la scène, en jouant sur les perspectives, pour pouvoir représenter l’intérieur d’un théâtre de marionnettes, de l’entrée jusqu’à la scène, sur une surface aussi petite (18cm2, soit moins de la moitié de la surface de l’écran du premier iPhone). Sans être spécialiste de la littérature, il paraît évident que les auteurs du dix-huitième siècle, ont recours à des procédés analogues dans la description des interactions sociales. Lues pendant ce séminaire, les Confessions de Rousseau l’illustrent parfaitement : la plupart des situations sociales montrent Rousseau ayant un rôle majeur, une déformation probable de la réalité afin de se mettre en avant dans une autobiographie.

Afin de contourner ces deux principaux biais, la restitution architecturale faisait la part belle à une confrontation quasi systématique des informations. Pour confirmer une source, la recherche d’autres sources était entreprise. Or, est-il possible de confronter deux sources littéraires qui décrivent deux situations différentes ? Prenons l’exemple d’une salutation entre deux personnages dans plusieurs romans. Avec la méthodologie mise en place pour la restitution spatiale, nous aurions cherché à restituer la représentation que corroborent le plus de sources. Avec la méthodologie de social physics, toutes les salutations sont enregistrées, sous contrôle de l’expert, et deviennent autant de manières possibles de se saluer au dix-huitième siècle. Si l’expert en littérature et en histoire culturelle du XVIIIe siècle a pour rôle d’invalider telle ou telle représentation qui serait de manière évidente exagérée ou inventée, il n’a pas pour rôle de produire des règles de physique sociale qui seraient un compromis entre plusieurs sources. Or, de la même façon qu’il est impossible de certifier qu’une source picturale décrive la réalité, il est impossible de certifier que ces situations de salutations aient un jour eu lieu dans les conditions précises où elles sont décrites.

On touche ici à la différence entre les deux processus de restitution, différence qui fait leur force respective. Si un utilisateur n’aura pas la capacité d’expérimenter plusieurs restitutions d’environnement spatial (basées sur plusieurs sources) lors d’une expérience, il pourra en revanche être témoin de plusieurs salutations. Dans le cas de l’espace, donc, il est impératif de réaliser des choix pour établir une et une seule restitution vraisemblable, dans le cadre des interactions sociales, leur répétition laisse au contraire le loisir à l’utilisateur de cerner les interactions typiques à partir des variations que l’on retrouve également dans la sociabilité réelle.

Si le processus de restitution de l’espace et celui de la sociabilité se font avec des moyens différents, sont-ils vraiment disjoints ?

L’espace dans la littérature

En architecture, il est souvent d’usage de considérer que l’espace est déterminant dans les échanges sociaux : il peut encourager ou au contraire empêcher certaines pratiques. Dans le théâtre au XVIIIe siècle, c’est entre autres l’éclairage de la salle, une propriété de l’espace, qui encourage dans ce lieu la sociabilité. On s’attendrait donc à retrouver dans la littérature l’importance de l’environnement architectural. Or, nous n’avons pas retrouvé, dans le corpus réduit des textes étudiés, cette importance.

Prenons l’exemple d’un extrait des Mémoires du Marquis de Mirabeau, analysé pendant ce séminaire, décrivant comment le jeune Mirabeau est en proie à la Comédie-Italienne à une agression sexuelle : alors qu’il assiste au spectacle, un homme vient lui caresser l’entrejambe. Les seules indications concernant l’environnement spatial de cette action figurent dans la première et la dernière phrases du paragraphe :

Nous étions plus sages à la Comédie-Italienne, comme plus éloignés du Café de Procope et de toutes les assemblées de jeunes gens. Il m’y arriva un jour une bonne fortune. Je sentis une main qui coulait vers ma ceinture, je m’imaginai d’abord que c’était quelque filou ; je n’avais pourtant l’air bonne pratique ; et, n’ayant que vingt-quatre sous dans ma poche, je laissai aller la main. […] Enfin, m’adressant à des jeunes gens que je vis assez près : « Messiers, leur dis-je, si quelqu’un de vous était dans le nouveau goût, voilà une perruque qui me persécute depuis une heure ». Mon homme glissa dans la foule et j’en fus quitte. (Mirabeau, 1834, p. 367–368)

La scène se déroule dans la Comédie-Italienne, au milieu des spectateurs. L’auteur ne précise pas qu’il est probablement dans le parterre où la foule, debout, est particulièrement dense. Cette indication n’est pas explicite dans le texte, probablement parce qu’évidente pour l’auteur, mais elle est pourtant importante pour le déroulement de l’action : c’est à l’expert de restituer les implications implicites de l’action en termes d’espace. Assis au parquet (devant la scène, donc visible de toute la salle) ou aux premières loges (également visible des loges supérieures), Mirabeau n’aurait probablement pas été victime d’une telle agression dont l’auteur semblait vouloir rester particulièrement discret. Dans le cas présent, c’est plutôt la connaissance a priori de l’espace qui permet de mieux comprendre le texte littéraire, non que celui-ci soit incomplet, mais ce qui paraissait évident au lecteur du XVIIIe siècle ne l’est parfois plus aujourd’hui, a fortiori concernant des espaces disparus depuis. De la salle de la Comédie-Italienne, qui dans les années 1770 était encore dans l’Hôtel de Bourgogne, on connaît en effet des représentations et gravures qui dépeignent avec une précision toute relative la morphologie de la salle. En retour, on peut lire entre les lignes du texte de Mirabeau l’ambiance qui semble baigner le lieu où se déroule l’action : la proximité des hommes (qui sont majoritaires au parterre) ou la pénombre qui permet d’effectuer ce type d’action en discrétion et disparaître furtivement.

On voit poindre ici un problème épistémologique d’interprétation des sources. C’est en effet parce que nous supposons que la scène décrite se passe dans le parterre de la Comédie-Italienne que nous pouvons déduire des indices de l’auteur l’ambiance de cette partie de la salle. En changeant d’emplacement, si le paragraphe avait commencé par « Nous étions plus sages dans l’amphithéâtre de la Comédie-Italienne », nous aurions eu une toute autre interprétation de la scène, capable non seulement de réorienter l’image mentale du texte de Mirabeau mais aussi notre connaissance de la Comédie-Italienne.

La littérature dans l’espace

La promesse de la social physics est de permettre de replonger l’utilisateur d’aujourd’hui dans la sociabilité du XVIIIe siècle. Cette perspective est particulièrement intéressante dans le cadre d’une restitution architecturale d’un espace puisqu’elle permet de contraindre l’utilisateur à des situations sociales historiquement attestées, tout en donnant une idée du contexte en montrant à l’utilisateur (par le biais d’avatars reproduisant des actions ou toute autre métaphore visuelle) comment l’espace était occupé et utilisé.

À mesure que nous créions des règles de physique sociale, la question de la spatialisation de ces règles est devenue plus importante au regard des potentiels d’utilisation au sein d’un théâtre restitué. Lors de la modélisation de la situation rencontrée par Mirabeau dans le parterre de la Comédie-Italienne, il nous est impossible de décrire la situation en termes de grandeurs spatiales. Pourtant, on conçoit bien que les règles de volition qui sont en jeu ici (qu’un homme au comportement déplacé ait l’envie de faire des actions envers un autre homme du parterre) ne peuvent faire l’impasse sur cela. La situation décrite par Mirabeau n’est pas uniquement liée à l’état du personnage de Mirabeau et de celui de son agresseur à ce moment précis, elle l’est aussi et surtout en raison de leur proximité presque intime qui rend non seulement l’acte de l’agression physiquement possible, mais qui permet également au désir de cette action de naître chez l’agresseur.

En plus de cela, d’autres paramètres rendent les actions possibles ou non, indépendantes même des désirs (volition) des deux personnages. On a déjà insisté sur l’éclairage et la proximité, mais l’ambiance sonore est également un facteur majeur de la scène. Que Mirabeau soit capable de parler aux jeunes gens près de lui implique une ambiance particulière, ni trop bruyante ni trop silencieuse. Dans le premier cas, il ne serait pas capable de se faire entendre, dans le second cas, son intervention aurait probablement interrompu la représentation théâtrale, ce qui ne semble pas être le cas ici, d’après le récit. Le fait que ces données ne soient pas renseignées lors de la création des règles au sein du logiciel Ensemble pourrait avoir une conséquence évidente, à savoir que la règle pourrait ne pas se déclencher dans les conditions précisées dans l’extrait étudié. Il s’agit a priori d’une bonne chose : cela permet de généraliser des situations sociales qui sont, sinon, extrêmement spécifiques. Il pourrait s’agir également d’un comportement gênant : on court le risque de voir se produire des situations sociales réalistes au sein d’environnement physiquement irréalistes. Mirabeau aurait-il pu subir cette agression sexuelle, par le même homme (les deux ayant alors les mêmes volitions) dans le foyer de la Comédie-Italienne, baigné de lumière, où les regards ne sont pas dirigés vers le même point focal ?

Renseigner l’espace dans la physique sociale

Quelles sont donc les données spatiales nécessaires à renseigner pour permettre la création d’une conscience spatiale dans Ensemble, et comment les renseigner ? La perception de l’espace qui nous entoure est liée à nos cinq sens, et nous pouvons donc décrire cinq niveaux de proximité entre deux personnes, selon qu’ils sont capables de se voir, de s’entendre, de se sentir, de se toucher et même de se goûter. Certaines de ces capacités sont plutôt booléennes : il nous est soit possible de toucher, d’atteindre, quelqu’un, soit impossible. D’autres en revanche portent en elles toute une gradation de valeurs : il est possible de voir quelqu’un ou de ne pas le voir, mais il est également possible de mal le voir, parce que la lumière manque ou que l’atmosphère est brumeuse par exemple. Avec ces cinq indicateurs, ou quatre si nous excluons la question du goût dont la pertinence nous paraît moindre dans ce contexte, nous pourrions donc décrire la proximité relative de nombreux échanges sociaux. Dans le cas de l’agression de Mirabeau, les deux personnages peuvent se toucher, se sentir, s’entendre mais ne peuvent semble-t-il pas se voir, ou à peine se distinguer. De même, entre deux loges, les spectateurs ne sont séparés que d’une fine cloison : ils peuvent s’entendre, se sentir peut-être, mais ne peuvent se voir ni se toucher, ouvrant la possibilité à d’autres types d’actions.

Bien sûr, seule une partie réduite des interactions sociales nécessite d’en préciser la proximité des interlocuteurs du point de vue de ces quatre sens. C’est lors de l’analyse du texte que l’on peut juger si le contexte spatial joue un rôle ou non, ou si un contexte par défaut peut être appliqué (la plupart des conversations ayant lieu dans une situation où les interlocuteurs peuvent se voir, se toucher, se sentir et s’entendre).

La restitution simultanée de l’espace et des usages sociaux qui s’y passaient tend à nous rapprocher du rêve d’une simulation totale du passé. L’utilisateur, à partir d’un contexte initial donné, pourrait revivre une situation historique comme il le ferait à partir d’un voyage dans le temps. La mise en œuvre de ces restitutions, tant pour l’espace dans la restitution d’un théâtre de marionnettes que pour la sociabilité dans social physics montre que les écueils sont nombreux. Quelle que soit la source utilisée, notre connaissance du passé est lacunaire et biaisée. Il est indispensable de mettre en place les outils et méthodes qui permettent aux chercheurs d’identifier ces zones de flou pour tenter d’y apporter un éclaircissement convaincant, et au grand public de visualiser l’océan d’hypothèses qui sépare une situation simulée des preuves historiques, littéraires ou archéologiques. Dès lors, VESPACE montre non seulement une nouvelle manière de faire revivre un passé disparu, mais surtout montre la voie de nouvelles méthodes de recherche et de diffusion en histoire. Celles-ci, en utilisant les possibilités des outils numériques, permettent en effet le croisement de recherches historiques rigoureuses sur des objets étudiés jusqu’à présent séparément. Elles permettent également d’en partager les résultats en stimulant l’engagement de l’utilisateur tout en lui donnant accès de manière exhaustive aux sources des chercheurs.

Déclaration d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts relativement à la rédaction et au contenu de cet article.

Contributions

Éditeur en chef invité de l’édition speciale

     Jeffrey M. Leichman, Louisiana State University, USA

Rédactrice de la bibliographie

     Christa Avram, The Journal Incubator, Université de Lethbridge, Canada

Rédacteur du texte

     Virgil Grandfield, The Journal Incubator, Université de Lethbridge, Canada

Bibliographie

Becker, Colette. 2005. Lire le réalisme et le naturalisme. Paris : Armand Colin.

Favre-Brun, Aurélie. 2013. «Architecture virtuelle et représentation de l’incertitude : Analyse des solutions de visualisation de la représentation 3D. Marseille ». Thèse de doctorat. Université d’Aix-Marseille. Consulté le 13 juillet 2023. https://www.theses.fr/2013AIXM3114.

François, Paul. 2021a. « Outils de réalité virtuelle pour l’histoire et l’archéologie – Recherche, diffusion, médiation : le cas des théâtres de la Foire Saint-Germain ». Thèse de doctorat. École Centrale de Nantes. Consulté le 13 décembre 2022. https://theses.hal.science/tel-03351927v3.

François, Paul. 2021b. « La Foire Saint-Germain vers 1770, images et mutations des lieux de spectacle. » Dans Les espaces du spectacle vivant dans la ville : permanences, mutations, hybridité (XVIIIe-XXIe siècles), sous la direction de Pauline Beaucé, Sandrine Dubouilh, et Cyril Triolaire, 161–180. Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise Pascal.

François, Paul, Florent Laroche, Françoise Rubellin, et Jeffrey Leichman. 2019. « A Methodology for Reverse Architecture : Modelling Space and Use. » Procedia CIRP 84 : 106–111. DOI:  http://doi.org/10.1016/j.procir.2019.03.253.

Méjanès, Jean-François, Irène de Château-Thierry, et Monique Maillet-Chassagne. 2006. Les Van Blarenberghe, des reporters du XVIIIe siècle. Paris : Musée du Louvre.

Mirabeau (Marquis de). 1834. Journal de jeunesse du marquis de Mirabeau. T. IV. Paris : H. Fournier.

Rocheleau, Mathieu. 2010. « La modélisation 3D comme méthode de recherche en sciences historiques. » Dans Actes du 10e colloque international étudiant du Département d’Histoire de l’Université de Laval, sous la direction de Catherine Arseneault, Jean-François Conroy, Jules Racine St-Jacques, et Alexandre Turgeon, 245–265. Consulté le 13 décembre 2022. https://www.erudit.org/fr/livres/actes-des-colloques-dartefact/actes-10e-colloque-international-etudiant-departement-dhistoire-luniversite--978-2-9812053-9-1/004288co/.

Daniel DeKerlegand: Developing a Social Physics Authoring Tool for VESPACE

Abstract

Developing content for the Ensemble AI engine requires the authoring of first-order logic predicates; in the case of the VESPACE project, this means writing rules defining social norms in 18th-century France. While these predicates could be written by hand, doing so for a project of this scale would have been infeasible, so we have worked to develop a distributed, collaborative authoring tool. We designed this tool to aid researchers in translating social data gathered from literature and literary history texts, with an emphasis on the importance of citation. Since our requirements necessitated refinement over time, we employed the agile software engineering methodology during the development cycle, building the application on a set of modern web technologies including a NoSQL database and isomorphic JavaScript server and web application.

Le développement de contenu pour le moteur en IA « Ensemble » nécessite la création de prédicats logiques de premier ordre ; dans le cas du projet VESPACE, cela signifie écrire des règles définissant les normes sociales en France du XVIIIe siècle. Bien que ces prédicats puissent être écrits à la main, le faire pour un projet de cette envergure aurait été irréalisable, nous avons donc travaillé à développer un outil de création distributif et collaboratif. Nous avons conçu cet outil pour aider les chercheurs à traduire les données sociales recueillies dans la littérature et les textes d’histoire littéraire, en mettant l’accent sur l’importance de la citation. Comme nos exigences ont nécessité des améliorations au fil du temps, nous avons utilisé la méthodologie agile d’ingénierie informatique pendant le cycle de développement, construisant l’application sur un ensemble de technologies Web modernes, y compris une base de données NoSQL ainsi qu’un serveur et une application Web en JavaScript isomorphique.

I. Introduction

Authoring for the VESPACE project has been notably multilingual, involving various human and computer languages, but the authoring process of the project has illustrated just how much wider the gap is between human and computer languages, as compared to English and French. Due to the technical difficulties involved in authoring computable data and data structures, the project necessitated the development of a new authoring tool, used to translate content from French and English sources into fragments of meaning interpretable by an AI social physics engine. This tool has made possible the collaborative authoring of social physics rules based on textual exegesis of historical sources. Concurrent to the development of this tool was the actual authoring of rules, conducted through a week-long workshop that introduced concepts of social physics and included the collaborative authorship of a large repository of rules intended to define the social world of VESPACE.

The VESPACE authoring workshops centred around using the authoring tool to create schemata, rules, characters, and actions, with the ultimate goal of producing the necessary data for a playable social experience. These workshops were a multidisciplinary collaboration, attended by both scholars of French literary history and computer scientists working in AI research. Computer scientists introduced concepts of social physics and predicate logic, explained the various features of the authoring tool, and used the tool to illustrate a number of example rules. In return, literary history scholars identified social conventions in Enlightenment France illustrated in period texts and used the authoring tool to encode them as social physics rules, which could later be used in VESPACE to determine character behaviour; in this way, the participants developed a working repository of social physics data.

II. Social physics authoring

As the VESPACE project leverages the social physics engine Ensemble, authoring is inherently non-linear, being the composition of individual rules and other first-order logical predicates. The structure of such a nonlinear narrative space has been previously defined as emergent. In emergent narratives, player decisions and actions frequently result in responses from non-player characters, while at the same time shrinking, expanding, or modifying the subsequent realm of possible actions (Jenkins 2004). Emergent narratives have been described as prioritizing character over plot, effectively inverting Aristotelian narrative; unlike the top-down structure of pre-authored narratives, in which character actions occur to serve the plot, these narratives reflect a bottom-up structure prioritizing the decisions of the player or viewer (Aylett 2000). The end result of social physics is an experience of rich, emergent mise-en-scène and narrative, in which character behaviours and actions are grounded in logic and clearly defined social norms.

From the player’s perspective, a social physics-based narrative is highly flexible and malleable; however, although this is true in practice and in experience, the actual first-order logical rules that make up the truth world of a game like VESPACE are inflexible in nature, and it is instead through the authoring of many detailed rules and actions that rich, multiform experiences become possible. Any time the preconditions of a rule are met, the rule must be executed, and its effects must occur. Though the effects of a rule might potentially cancel out those of another, this must occur through the means of logical computation. Likewise, rules can be removed from the system, but in the VESPACE project this can only occur as a meta-interaction with the Ensemble engine—a deliberate modification of the realm of possibility—rather than as a result of gameplay. Characters cannot skip or avoid rules and their effects in service of appearance or narrative expectation; the social experiences in VESPACE follow the parameters of the social truths and facts defined by literary historians and computed by the AI system, rather than in service of narrative convention.

Rules in Ensemble are composed of predicates; in a mathematical sense, predicates are defined as Boolean-valued functions, meaning that they dictate some truth about the state of the world. A predicate’s variables may in turn contain either Boolean or scalar values—such as the former in the predicate “character A is happy” or the latter in the predicate “character A is 30 years old”—but the entire predicate itself is considered to be Boolean-valued, as it posits some truth about the world state. In first-order logic, the variables of a predicate can theoretically be filled with anything, but in Ensemble, to simplify matters, individual predicates can reference either a single character or a pair of characters and can reference only a limited number of states.

Ensemble users can define the range of possible states in the world by constructing a schema. A schema is divided into categories, which are themselves divided into types. For example, a category of “trait” might be defined, which could include such types as “bourgeois,” “male,” and “provincial.” The “trait” category is considered undirected, in the sense that it references only one character. On the other hand, another category called “directed status” might define a connection between two characters that is considered directed, meaning that it applies from one character to another. Examples of a “directed status” might include types such as “angry at,” “jealous of,” or “married to.” A rule consists of both a left-hand side and a right-hand side, each of which contains any arbitrary number of predicates. If all of the predicates in the left-hand side of the rule are determined to be true, the rule as whole is activated and the right-hand side is executed. In the case of a trigger rule, the right-hand side changes the state of the world, while in a volition rule, the right-hand side changes the volitions or desires of characters, which will either increase or decrease the likelihood that they will feel a certain way or perform some action (Samuel, Reed, et al. 2015).

III. VESPACE authoring tool

At the centre of the VESPACE authoring process has been the development of an authoring tool for facilitating the distributed, collaborative authorship of rules and schemata necessary for making the interactive narrative of VESPACE a reality (DeKerlegand, Samuel, and Leichman 2020). The authorship of social physics rules for VESPACE is a demanding task, requiring a deep level of domain knowledge in French literary history, as well as in computer science and artificial intelligence. On the one hand, the gathering of raw materials necessary for developing social rules requires a strong background in the history of Enlightenment-era France, as well as training in literary theory and textual analysis. On the other hand, the manual composition of social physics rules for the Ensemble engine requires an understanding of the first-order predicate logic underpinning social physics; in addition to a technical familiarity with the structure of first-order logical predicates, it requires familiarity with the JSON open standard file format. Although this technical literacy can certainly be learned, translating and formatting Ensemble rules into JSON is a time-consuming and unnatural process distracting researchers from their most important goal: textual exegesis and rule authorship. For this reason, the development of an authoring tool was important, in that it would allow researchers to focus on textual analysis and quickly translate textual information into working social physics rules.

As the lead engineer of the VESPACE authoring workshop, my goal was to apply principles of software engineering in order to develop an authoring tool that would not only cover the basic functions of Ensemble authoring but also meet our target users’ UI needs, which in this case involved the easy translation of a large corpus of literary-historical material into thousands of individual social physics rules. The project was a strong match for my skillset, since I had an educational background in liberal arts, with undergraduate degrees in film, theatre, and communication arts as well as in English, plus extensive coursework in French literature and graduate degrees in both creative writing and computer science. In addition, I had extensive professional experience in building web applications for clients in education. Therefore, it felt natural to work alongside literary historians in order to build an authoring tool for research and creative applications. Due to the limited amount of time—less than a semester—that we had to complete our authoring tool, plus the added challenges of collaborating during the 2020 coronavirus pandemic, we were correct in choosing an agile development approach, cloud-based deployment strategies, and reactive web application technologies. Despite the challenges, it was highly rewarding to coordinate from start to finish the design, development, refactoring, and practical application of our authoring tool, as well as to work alongside a team of scholars heavily invested in multidisciplinary research. The project was a test of numerous skills, including developing cloud-based web applications, communicating concepts of AI and social physics, and interpreting French literature. In addition, the resulting authoring tool has been an important reference point in our research for explaining the processes and challenges involved in social physics authoring, not only from the perspective of computer science, but also the humanities.

With a goal of rapid iteration and continuous delivery of new features, we followed practices of agile software development, splitting our development process into a series of two-week sprints. Heeding the Agile Manifesto principle of “individuals and interactions over processes and tools,” each sprint began with requirements gathering, conducted in the form of a meeting with our “clients,” in this case primarily the head of the VESPACE project, Dr. Leichman, as well as occasionally other participating literary historians (Fowler and Highsmith 2001). In order to gather these requirements, we would ask questions about what features the tool should have, describing our own ideas of potential UX/UI designs and listening to client suggestions. After roughly a week or two of subsequent design refactoring and software development, we would follow up with our client, presenting a useable demo of the tool and eliciting user feedback. In order to simplify frequent builds and releases, we leveraged a number of modern deployment, build, and version control tools. In order to manage versions, backups, and rollbacks in the event of breaking changes, we used tools like Git and GitHub. The web application itself was deployed to Heroku, which is a cloud hosting platform providing a variety of tools for building, deploying, and monitoring containerized cloud applications. The use of agile methodologies in conjunction with cloud hosting made it possible to provide new releases and bug fixes in parallel with an ongoing authoring workshop; for example, the action and character authoring components of the tool were both constructed during the May 2020 VESPACE workshop. By coordinating acceptance testing and deploying new feature releases to the cloud outside of normal user hours, as well as recovering via version control in the event of breaking changes, we were able to continuously deliver new features without much risk.

As our workshops necessitated remote collaboration across many time zones, it made sense for us to develop the tool as a distributed, single-page web application, and so we decided to develop an isomorphic JavaScript application. Therefore, the actual development work was akin to that of any other modern, single-page web application. Using a model-view-controller paradigm, we constructed a number of different UX/UI forms and widgets that could persist authored data to a MongoDB database. MongoDB is a robust, highly performant non-relational database system that uses a storage format similar to JSON called BSON; because Ensemble uses a compatible data format, MongoDB was an ideal storage choice, since it made storing and querying Ensemble data relatively painless. After coming to a consensus on UX/UI designs, we spent a majority of our time building mock-ups into functioning forms and interactive UI components. Significant time was also spent on bug reporting, acceptance testing, debugging, and refactoring.

The authoring tool that we have developed for VESPACE consists of a number of modules, each made for authoring a different set of content, including the authoring of schemata, rules, actions, and characters. The schema authoring tool is structured in the form of a questionnaire; rather than expecting familiarity with social physics terminology, the tool provides users with descriptions of various characteristics and asks the user to select the option that best suits the new type—for example, is the new type something that can be either true or false, or does it have a value within a range? If a type is either true or false, such as “friends” or “not friends,” then the type is Boolean, but the author is not required to know this detail. Similarly, rather than have authors manually construct the components of each predicate in a rule, the predicate editor allows authors to select types from a dropdown menu; depending on the type’s category, the tool will automatically restructure the predicate, reflecting whether or not the type is directed or undirected, Boolean or numeric, or any other characteristic. In a way, the authoring process is a collaboration between the author and the tool itself; for example, based on the type of rule and the constraints of the user-defined schema, the tool provides the basic shell of the data structure, which the author can then mold into a detailed rule, adding new predicates and selecting characters and values.

Another very important feature of the VESPACE authoring tool is the citation editor, which allows authors to attach citations to schemata, rules, characters, and actions, thus providing evidence for the item’s textual validity. Citations have a many-to-one relationship with each item, as a rule might have historical precedence in various texts. Because rule authors frequently consult the same textual sources, it was important for the citation editor to allow for searching the existing citation database, as well as the ability for authors to autofill from existing citations. Authors could quickly attach a citation from an existing text, while also including a unique quotation and direct quotation from the work. Here, a quotation represents a general quotation from the text, while a direct quotation represents dialogue from a character; the former provides textual evidence, while the latter may be useful in the construction of character dialogue in the game. These elements were collected in anticipation of redeploying them during a later stage of surface-level output authoring.

The last important feature included in the authoring tool was an interactive sandbox game used for the testing of authored rules. Players are able to select from a list of characters in order to populate a cast and start a new simulation. The predicates associated with these characters at the beginning of the game—that is, the character definitions authored using the character tool—define the range of possibilities at the beginning of a simulation. For example, two characters who have been defined to have a high volition for one another are more likely to want to take favourable actions towards each other. Players can select from a set of possible actions for each character and then see the effects of these actions, thereby testing the functionality of their authored rules and characters. Due to the computational complexity of certain rules, as well as the memory and CPU limitations of a browser-run JavaScript application, the sandbox game was the most difficult feature in the authoring tool to complete and optimize, frequently providing a frustrating experience for developers and authors alike. However, for this same reason, the sandbox game is a very useful mechanism for pinpointing both troublesome rules and areas of the Ensemble engine that could use refactoring and optimization; it is therefore an important part of the authoring process and will become even more so as the whole system comes to function more smoothly.

IV. Authoring, data structures, and computational complexity

The authoring of VESPACE is twofold in the sense that it includes both the authoring of content and the authoring of form. More specialized than a pen or a typewriter, the authoring tool is responsible for the translation of aggregated historical data, gathered through textual exegesis, into data structures containing both the symbolic logic of schemata and the rules computable by the Ensemble engine. For example, one basic data structure that is omnipresent throughout the authoring process is the list. The concept of the list is central in computer science, which is in part due to the physical construction of computers themselves. A computer program is nothing more than a sequence of instructions—a list—in machine code, which is read sequentially by a central processing unit. On a more abstract level, lists are also frequently responsible for the organization of data. The concept of a step in Ensemble is a direct result of this organization; a playthrough in VESPACE, or any other game or experience leveraging Ensemble, is comprised of a list of steps. As the Ensemble engine iterates through each step, it must also iterate through a sequential list of rules, searching for any rule whose preconditions have been met and whose effects must thus become true.

In a quantifiable sense, a play trace in VESPACE consists of a list of steps experienced by the player, a list of actions performed by the player or other characters at each step, as well as all predicates or “facts” that were true at each step. It has been illustrated elsewhere that the space of possible play traces made possible by the Ensemble engine is vast, all but ensuring a unique play trace for each individual player (Samuel, Lederle-Ensign, et al. 2015). It should be further noted, however, that even in the event that two players experience the exact same play trace, due to the physical nature of the VR interface that will eventually furnish the visual environment for the social simulation built with Ensemble, the subjective experience of the two players could still differ dramatically—differences in physical movements, active focus of the eye, or listening could still result in highly divergent subjective play traces. Applying the analytical process of story sampling has demonstrated that residual play traces of even highly individualized user experiences can be a valuable resource for the revision process, helping—amongst other things—to isolate troublesome rules that present issues in player experiences (Samuel et al. 2014).

As rules are authored for use in Ensemble, authors are not only writing the social space of the simulation but also the potential computational space of the simulation. As mentioned previously, rules are stored in lists and are composed of lists of predicates; furthermore, characters are also defined by a list of predicates. Each character in the simulation is a potential match for each predicate in a rule referencing a character, and thus each character’s state must be checked in order to verify whether or not the character binds, that is, meets the criteria of a predicate in the preconditions—the left-hand side—of the rule. Some rules can grow quite complicated in terms of the number of potential character roles referenced in their preconditions; for example, one rule might reference multiple character roles, as in an example along the lines of “If character A is involved with character B, and if character B is involved with character C.” In order to examine the truth-value of this rule as it applies to various characters, every possible combination of characters must be considered; as rules increase in character role complexity—and some that emerged from the workshop were much more complex than the previous example—they can greatly increase in time complexity due to combinatorial explosion.

Determining the proper character bindings for the roles in the left-hand side of a rule will have a worst-case upper bound of O(cr) time, where c is the total number of characters in the system and r is the number of distinct roles in the rule. In practice, rules will not reach this complexity, because as each character is bound to a predicate, that character is removed from the search list for other bindings; that is, one character cannot fill multiple roles in the rule, so as each character match is found, the value of c decreases. Nevertheless, rule authoring can still have a significant impact on runtime, as rule complexity not only builds the space of narrative possibility but also computational space. Using the worst-case upper bound of O(cr), rules referencing two roles will be in O(c2) quadratic time, while those referencing three—as in the previous example—will be in O(c3) polynomial time. As the number of characters c in the system grows, the runtime of each individual rule will increase to a degree, but r is the more important number in terms of growth and explains why one rule can drastically increase runtime. In a purely theoretical worst case, supposing we have 10 characters in the system and a rule references 3 roles, we will have a c of 10 and an r of 3, for a total of 1,000 iterations. In contrast, a rule referencing 6 roles will have an r of 6, for a total of 1,000,000 iterations, reflecting a potentially substantial increase in runtime. To reiterate, the actual runtime of finding role bindings will be much better than this, since characters cannot fill multiple roles, but even then, the algorithm still has more work to do. Given a role binding, the computation to see if the rule applies has itself an upper bound of O(p*h), where p is the number of predicates in the rule and h is the length of the history. In the end, it can be very useful for rule authors to understand what types of rules can potentially lead to explosions in computational space, so they can optimize rules in order to create a simulation that is not only rich and detailed, but also responsive and efficient.

V. Conclusion

Despite the complex layers of authoring in the VESPACE project, the end result of all authored content is the same, from the C# code of the virtual theatre and the Ensemble engine to the JavaScript of the distributed authoring tool, to the French and English generated through textual analysis and transformed into JSON by the authoring tool. All of this content, eventually, will be converted into executable lines of machine code, interpreted by a computer, and transformed for the user into a virtual experience, at which point the authoring by the creators ends and the subjective, experiential authoring by the user begins. VESPACE may be ahead of the curve, but it is likely that in the future many more authoring experiences will be similarly multilayered, multilingual, and multimodal. Therefore, it will be increasingly important for us as artists, historians, and scientists to develop more tools and methods of collaboration, as the authorship of literary experiences in the twenty-first century continues to co-evolve with computer technologies.

Competing interests

The author has no competing interests to declare.

Contributions

Special Guest Issue Editor

     Jeffrey M. Leichman, Louisiana State University, USA

Copy and Layout Editor

     Christa Avram, The Journal Incubator, University of Lethbridge, Canada

References

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