Le bouleversement de l’écosystème de production et de diffusion de la littérature introduit par le numérique a sollicité de façon importante les actrices et les acteurs de ce milieu. Comme pour certains autres domaines artistiques, tels que la musique ou la photographie, le développement de dispositifs et de plateformes numériques a entraîné une révision majeure des pratiques (Dacos et Mounier 2010) et, par la force des choses, des compétences (Belisle 2011). Or, cette révision ne s’est pas faite sans heurts. Attachées au livre et à sa culture, les communautés littéraires ont eu tendance à résister à cette transition, considérant le numérique comme une menace plutôt qu’une occasion de se renouveler. Avec le temps, les réticences se sont érodées, et il est maintenant important de prendre la mesure du chemin qu’il y a à parcourir afin d’ancrer les pratiques littéraires et leur enseignement dans l’actuel écosystème numérique (Doueihi 2013; Ahr 2015). Les enjeux sont multiples, allant d’un ajustement des pratiques de création à une redéfinition de la littératie en contexte numérique, en passant par le développement d’outils de découvrabilité des contenus (Marcotte 2018; MCCQ et MCF 2020), au cœur du renouvellement des stratégies de diffusion.

C’est dans cet esprit qu’a été mis en place le partenariat Littérature québécoise mobile (LQM), qui a été financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada pour une période de 5 ans (2019–2024). Le partenariat trouve sa raison d’être dans la volonté commune des chercheuses et chercheurs universitaires, des institutions et des organismes culturels et littéraires de maintenir la littérature comme expérience et forme symbolique centrales de notre manière d’être au monde dans un contexte culturel et technologique où elle peut paraître dépassée et de faire en sorte qu’elle s’y inscrive de façon dynamique.

LQM réunit quinze chercheuses et chercheurs, œuvrant dans huit universités. Le projet se déploie en deux volets : un volet littéraire, qui s’ouvre sur deux pôles distincts, le pôle Montréal et le pôle Québec, permettant ensemble de couvrir le plus grand nombre d’activités littéraires et d’intervenants du Québec; et un volet éducation, préoccupé par les formes de la littératie contemporaine et par la transformation des pratiques d’édition, de médiation et de réception en littérature numérique jeunesse. Le partenariat permet la rencontre entre des spécialistes de disciplines variées : de la littérature québécoise contemporaine et de l’histoire littéraire, de l’hypermédia et des textualités numériques, de la littératie numérique et de la multimodalité médiatique, des bases de données et des plateformes de diffusion, des droits d’auteur et des licences numériques, des processus d’édition et d’éditorialisation, de l’édition critique, de la création littéraire, de la création et de l’édition pour la jeunesse, de l’éducation et des stratégies d’apprentissage, des théories de la lecture, ainsi que des théories de l’imaginaire. Les expertises sont diversifiées et leur complémentarité devrait permettre de soulever le plus grand nombre de questions possible et, ainsi, de traiter d’un ensemble important d’enjeux que la transition à la culture numérique suscite.

La culture numérique représente, globalement, l’ensemble des pratiques et des productions artistiques, littéraires et médiatiques qui se servent des dispositifs et des plateformes de création et de diffusion rendus disponibles par les développements informatiques récents, notamment les développements de l’infrastructure technologique qu’est Internet. L’étendue des pratiques et des usages ou modalités d’interactions (Fourmentraux 2016), individuelles ou collectives, touchés par les dispositifs numériques est vaste et il devient important d’en saisir leur impact sur la culture (Baroni et Gunti 2020; Bénel 2014).

Littérature québécoise mobile réunit aussi 25 partenaires institutionnels et professionnels. Ce sont des organismes culturels, des centres d’artistes et des regroupements d’écrivains, des associations et des syndicats professionnels, des revues culturelles, des éditeurs, des festivals, une maison de la littérature, une radio communautaire, des laboratoires et des centres de recherche, des chaires de recherche et des universités. Avec ces partenaires, LQM explore et accompagne la transformation des pratiques d’écriture et de lecture, d’édition et de diffusion en contexte numérique, sur un plan critique, mais surtout sur un plan pratique, en travaillant avec les intervenants du milieu pour développer des stratégies et des postures adaptées au nouvel environnement et ainsi soutenir la transition numérique de milieux culturels.

Le but du présent article est de décrire l’évolution d’une réflexion sur les théories et les pratiques en culture numérique – autour des enjeux associés à la transition numérique de la littérature québécoise – en s’appuyant sur des exemples de projets mis en œuvre grâce au partenariat. Il sera ainsi mis en lumière comment s’articulent le travail conjoint avec des gens du milieu et la coconstruction de connaissances, notre contribution s’inscrivant dans le développement de savoirs sur les effets d’une collaboration des disciplines, des partenaires (chercheur.e.s, praticien.ne.s, chercheur.e.s-praticien.ne.s) et des milieux (institutions culturelles et universitaires) sur la production et la diffusion numérique du patrimoine littéraire et des nouvelles formes de littérature.

Vers une littératie numérique de la littérature

Comment pouvons-nous préserver et enrichir, dans un contexte culturel marqué par le passage d’une culture du livre à une culture de l’écran (Bon 2011; Benhamou 2012), cette expérience unique que l’écriture et la lecture littéraire (au sens textuel et langagier) nous accordent ? Comment nous assurer, dans l’actuelle diversité de l’offre, de ne pas perdre les possibilités de l’expérience fondatrice de la littérature tout en la renouvelant? La question n’est pas de savoir quels dispositifs sont les plus efficaces pour permettre la production, la diffusion ou l’expérience de la littérature, mais bien de comprendre comment en renforcer la valorisation et la pratique dans un espace public où les mécanismes de circulation de la culture se sont transformés. Et si on entend préserver les acquis d’une technique aussi simple que l’impression de séquences langagières sur une surface plane ou leur projection sur un écran, quand on a à sa disposition des appareils de réalité virtuelle et toute une panoplie de médias tous plus sophistiqués les uns que les autres, c’est parce que l’efficacité sémiotique de ces inscriptions est au cœur de notre expérience du monde et qu’elle conditionne nos comportements et manières de faire.

Il faut dire, en effet, que la capacité d’un média à offrir des représentations qui savent convaincre n’a que peu à voir avec sa nouveauté ou avec sa complexité (Gervais 2008). Ce sont les habitudes liées à une pratique dont la pérennité est établie, un ensemble de conventions rodées, un horizon d’attente, de même que des procédés dont les rudiments et les présupposés sont déjà compris, qui assurent plus que tout l’efficacité d’une représentation. Et à ce titre, les formes littéraires font figure de références. Leur puissance leur vient d’un long peaufinage et d’un ajustement graduel aux divers contextes culturels, sociaux et technologiques. Si le régime de surextensivité culturelle que nous connaissons actuellement et qui est en place depuis la fin du vingtième siècle (Gervais 2015) en restreint grandement la portée, ce n’est pas faute d’efficacité ou de pertinence, mais en raison peut-être de la simplicité même du média et de son ancienneté, qui les font paraître légèrement démodées. À moins de se mettre à imaginer des livres branchés (Guilet 2014), des technotextes (Hayles 2002) et des machines à lire aux propriétés inouïes, nous semblons être entrés dans un monde d’ « après le livre » (Bon 2011), aux frontières de l’intelligence artificielle (Lebrun et Audet 2020).

Pourtant, la littérature n’est pas un art dépassé, entre autres parce qu’elle a ceci d’extraordinaire de ne pas être simplement une chose à laquelle nous participons, comme spectateurs, mais de se présenter plutôt comme une expérience que nous construisons nous-mêmes, en insufflant une partie de ce que nous sommes et pensons dans ce qui est représenté. Le schématisme des langues, c’est-à-dire leur caractère abstrait et incomplet (Ingarden 1983; Iser 1985), si on les compare aux images (fixes ou en mouvement), fait en sorte que les textes produits par leur utilisation seule sont toujours à compléter, ce que nous faisons avec des images mentales, des échos de pensées déjà assimilées, des souvenirs pertinents ou non, des résonances langagières, ainsi que les multiples éléments de nos ontologies personnelles (Iser 1985; Gervais 2006; Langlade et Fourtanier 2007). Les lieux représentés deviennent crédibles et réels, tout comme les personnages de fiction s’animent grâce à notre coopération, en leur insufflant des traits, des caractéristiques et des agirs tirés de notre encyclopédie (Eco 1979). À une époque où l’on valorise l’activité des produsers, mot-valise anglais qui réunit producteur et usager, forgé par Axel Bruns (Bruns 2008) afin de surdéterminer la complexité du mode de participation des communautés en ligne, qui commentent, écrivent et remixent à l’envi des contenus partagés, il est tentant de définir l’expérience littéraire comme la forme première de cet engagement créatif qui repose sur des stratégies d’appropriation singulières et, à tout instant, renouvelées.

Aux formes plus traditionnelles de littératie s’adjoint dorénavant une littératie numérique qui se révèle une compétence socio-cognitive majeure. Le contexte numérique a plus que jamais mis en lumière le rôle capital de la lecture, entre la capacité fondamentale de lire des textes, celle de faire sens d’une œuvre littéraire et celle de se saisir des enjeux posés par des plateformes numériques, lesquelles accueillent nos interactions quotidiennes. Cette littératie numérique repose en effet sur la capacité de comprendre et de rédiger des textes, et plus important encore de les faire entrer en relation, dans des combinaisons sémiotiques complexes, avec des images, des sons, des cinétiques, et cela, dans le cadre de processus associés à des gestes propres au numérique, tels que l’interaction, la navigation ou la manipulation (Lacelle et al. 2019). Symptôme de la pénétration avérée de la culture numérique dans les usages courants du langage, ce besoin d’accroître la littératie numérique trouve un écho immédiat dans la transition d’une culture du livre à une culture numérique, qui implique une complexification des compétences requises pour produire et recevoir des œuvres.

Ainsi, comment préserver l’expérience singulière de la lecture littéraire – dont certaines propriétés sont elles-mêmes à l’origine d’une culture numérique participative fondée sur l’appropriation et la recréation – tout en favorisant une refiguration de la lecture littéraire par les œuvres numériques (Audet 2020; Gervais 2020)? Comment enrichir la littératie numérique grâce au renouvellement des formes et des formats de la littérature? Ces questions d’ordre épistémique et théorique sont au cœur des réflexions qui nourrissent et se nourrissent des échanges entre les partenaires des projets du partenariat.

Vers une littérature québécoise mobile

Le partenariat LQM repose sur le besoin fortement ressenti par les diverses communautés littéraires de s’approprier le numérique et de s’inscrire dans un monde d’écrans et de réseaux (Poissant et Tremblay 2008), tout en étant attachées au livre et à son expérience. Le livre et l’écran ne doivent pas être perçus en opposition, mais plutôt dans une « indispensable complémentarité », pour reprendre le bon mot de Serge Tisseron (Tisseron 2013). Qu’il s’agisse des autrices et auteurs, des éditrices et éditeurs, des chercheuses et des chercheurs, des enseignantes et des enseignants, des lectrices et des lecteurs, sans oublier les organismes dédiés à la création de contenus, à la promotion et à la valorisation de la littérature québécoise, toutes comprennent l’importance, voire l’urgence, de s’inscrire dans le virage numérique (Paquin 2016; Audet 2015; Saemmer 2013), afin de maintenir le développement d’une pratique depuis longtemps centrale à notre société, pour des raisons à la fois cognitives, affectives, symboliques et politiques (comme en témoigne notamment le Plan culturel numérique du Québec [http://culturenumerique.mcc.gouv.qc.ca/a-propos/].) Il y a là, on peut l’avancer, une posture éminemment politique, selon la manière proposée par Jacques Rancière :

La politique de la littérature n’est pas la politique des écrivains. Elle ne concerne pas leurs engagements personnels dans les luttes politiques ou sociales de leur temps. Elle ne concerne pas non plus la manière dont ils représentent dans leurs livres les structures sociales, les mouvements politiques ou les identités diverses. L’expression « politique de la littérature » implique que la littérature fait de la politique en tant que littérature. […] Elle suppose qu’il y a un lien essentiel entre la politique comme forme spécifique de la pratique collective et la littérature comme pratique définie de l’art d›écrire. (Rancière 2007, 11)

Faire de la littérature en culture numérique, chercher à en valoriser la lecture et l’écriture et à en ajuster la pratique pour qu’elle reste une forme pertinente, est un geste politique, non pas tant de résistance que d’engagement. À ce titre, les trois grands axes du partenariat reposent sur un parti pris explicite d’une participation pleine et entière à sa communauté de pratique. Les axes se présentent comme des gestes, voire des champs d’action, où il s’agit non seulement de documenter la situation actuelle de transition, mais encore de soutenir les communautés littéraires dans cette transition et, ultimement, de prendre part aux activités de ces communautés.

Documenter, soutenir, prendre part. Ces trois gestes complémentaires sont au cœur d’une approche collaborative entre chercheurs et praticiens dans l’exploration des liens entre la littérature et le numérique. Les projets envisagés en sont l’expression directe. Les uns sont plus directement ancrés dans la création littéraire et les pratiques éditoriales ou éditorialisantes contemporaines (Vitali-Rosati 2016; Sinatra et Vitali-Rosati 2014), ou encore dans l’éducation et ses transformations en culture numérique (Lacelle, Boutin et Lebrun 2017); les autres portent sur des enjeux contemporains ou sur le développement d’une expertise partagée sur les dispositifs numériques. Ces projets permettent plus précisément de regrouper des outils de veille, de structuration des connaissances et de mobilisation d’une communauté; des structures d’accompagnement des intervenants du milieu; et des offres de formation à des publics variés.

C’est une pragmatique des pratiques littéraires et culturelles qui est visée (Petitjean et Houdart-Merot 2015; Tron et Vergès 2005; Fourmentreaux 2013). Ce parti pris d’une description, d’une valorisation et d’un accompagnement des pratiques littéraires contemporaines appelle à un renouvellement des liens entre théorie et pratique, où la distance entre le sujet et son objet de recherche ne se comprend plus en termes temporels, mais en termes critiques, par le développement d’une posture où description, soutien et participation se complètent. Cette attitude implique un engagement plus important de la part des chercheuses et des chercheurs, qui reconnaissent, d’une part, que leur compréhension de la pratique culturelle étudiée ne peut se faire qu’en collaboration constante avec les intervenants de ce milieu; d’autre part, que leur proximité avec cette pratique peut aisément en influencer le développement.

Vers un modèle de l’innovation en culture numérique fondé sur le soutien aux pratiques littéraires

Les projets mis de l’avant ou soutenus par LQM se distribuent en quatre grandes catégories et ils exploitent l’un ou l’autre des trois grands gestes identifiés, à savoir documenter, soutenir et prendre part. Ce sont : le développement d’environnements numériques et de plateformes de découverte ; des activités de recherche et de diffusion de la recherche; des activités de concertation, de réseautage et de formation; ainsi que des projets de création littéraire et d’éditorialisation.

Ces catégories ont été récemment mises à jour, afin de les ajuster aux projets que les chercheuses et chercheurs et les partenaires ont commencé à proposer, après deux ans d’activités. La programmation d’une entreprise aussi vaste qu’un partenariat ne peut que se transformer au gré des initiatives et des événements. Ainsi, le confinement que nous connaissons depuis le mois de mars 2020 a grandement transformé les activités de diffusion de la littérature et c’est toute la dimension événementielle du projet qui en subit les conséquences. À titre d’exemple : un des projets initiaux du partenariat, qui était de suivre à la trace les événements littéraires pendant une année sur l’ensemble du territoire du Québec afin de rassembler les données pour faire une micro-histoire des formes de sociabilité littéraire, a dû être abandonné dans son cadrage initial, compte tenu des restrictions sur les assemblées en situation de pandémie. En phase avec la réalité vécue par les milieux culturels, un nouveau projet a été amorcé, en collaboration avec l’un des partenaires de LQM, le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ). Ce « Recensement des initiatives culturelles pour contourner l’isolement causé par la covid-19 » incluait la dimension littéraire qui a été prise en charge par l’équipe de LQM, mais s’ouvrait également à d’autres pratiques culturelles (grâce au travail conjoint des chercheuses et des chercheurs, des professionnelles et des professionnels du CRILCQ, de LQM et de l’ADISQ). Pendant la période la plus intense de la pandémie, tout le milieu littéraire est collectivement passé du présentiel au virtuel, d’événements organisés dans des librairies ou des maisons de la culture à des rencontres sur des plateformes de visio-conférence, et il a paru nécessaire de prendre la mesure de cette transition, afin d’en saisir les conséquences possiblement pérennes sur les milieux culturels.

Le « Recensement des initiatives culturelles » illustre la porosité des catégories de projets identifiées pour LQM, car il implique à la fois des activités de recherche et le développement d’une plateforme numérique. En fait, la plupart des grands projets intégrés dans le partenariat s’inscrivent dans la première catégorie, puisqu’ils cherchent soit à développer des plateformes, des outils ou des environnements numériques (de connaissance, de diffusion ou de création), soit à se servir de ces plateformes à des fins de formation, de recherche, d’animation ou de réseautage. Documenter, par le biais d’environnements numériques et de plateformes, ce n’est pas simplement favoriser la collecte de données, inventorier des savoirs ou rassembler des documents de référence, c’est surtout rendre ces contenus disponibles à l’ensemble des membres de la communauté littéraire. Documenter, c’est informer, c’est transmettre, et, à plus forte raison, valoriser afin d’orienter ou de guider.

Projets majeurs

Quelques projets permettent de mieux comprendre la dynamique du partenariat, dont l’un des mandats est le développement d’environnements numériques et de plateformes de découverte. Les cinq projets présentés ici offrent des formes singulières de médiation de la littérature s’appuyant sur des bases de données complémentaires. Ainsi, les projets « Recensement des initiatives culturelles » (décrit ci-haut), Opuscules, « Patrimoine littéraire numérique » et « Lab-yrinthe » attestent des transformations du milieu, témoignent des activités de la communauté littéraire et fournissent des outils pour comprendre les œuvres numériques, depuis leur origine jusqu’à maintenant. Le cinquième projet, Particules – Correspondances inattendues, qui a lieu dans le cadre des Journées de la culture, se présente pour sa part comme une invitation à créer sur Twitter une œuvre spontanée et collective.

Ainsi, parmi les grands projets de plateformes déjà en ligne, on peut noter l’application Opuscules, fruit d’une étroite collaboration entre LQM et les équipes de l’UNEQ (Union des écrivaines et des écrivains du Québec), du laboratoire NT2 et du réseau Koumbit. Dans sa version actuelle, en voie d’être renouvelée, Opuscules est une application disponible sur tous les écrans (du cellulaire à l’ordinateur de table) qui offre un éventail de ressources. La première est une anthologie de textes inédits provenant d’autrices et d’auteurs de l’UNEQ. La plupart de ces textes viennent avec une version audio, enregistrée grâce à un accord avec la radio web CHOQ.ca. À cela s’ajoute une audiothèque offrant des captations d’événements littéraires (soirées de lectures, spectacles et happenings littéraires, conférences, tables rondes, discussions). Opuscules donne aussi accès à un agrégateur de nouvelles portant sur la littérature québécoise ainsi qu’un bottin des quelque 1200 autrices, auteurs, organismes et intervenants littéraires qui ont produit des contenus destinés à l’application. Les fiches du bottin mettent en valeur les publications disponibles sur la vitrine numérique de la Coopérative des librairies indépendantes du Québec, leslibraires.ca. Une telle application sert à de multiples fonctions : elle est un outil de diffusion, de médiation et de découverte desservant la communauté littéraire, tout en favorisant à des fins de recherche une collecte de données sur les intervenants, les événements et les pratiques littéraires actuelles.

L’établissement d’un Patrimoine littéraire numérique (PLiNe) répond à des questions de recherche tout autant que de conservation, de valorisation et d’éditorialisation. Ce vaste chantier a été mis en place en réaction au constat que de nombreuses médiathèques en ligne, qui ont produit une grande quantité de contenus multimédias à teneur littéraire, sont sur le point de disparaître. Plusieurs organismes les soutiennent avec difficulté, car elles posent des défis de standardisation de la description des entrées, d’obsolescence des plateformes, de coût (et de fiabilité) de leur hébergement, sans compter la charge humaine de maintien et d’alimentation de ces ressources pourtant riches d’un pan entier de la pratique littéraire contemporaine. Dans ce contexte, il apparaît crucial d’assurer les bases d’une stabilisation et d’une prise en charge de ces contenus, par le développement d’un environnement numérique qui accueillera ces contenus participant de la micro-histoire culturelle et littéraire québécoise. Le PLiNe veut offrir, avec l’aide du Laboratoire Ex situ, un espace d’hébergement assurant la sauvegarde et la pérennisation de médiathèques littéraires et culturelles numériques, en fonction d’une taxinomie partagée avec les partenaires de LQM qui possèdent une médiathèque encore active : Productions Rhizome, Agence TOPO, la Maison de la poésie de Montréal, l’Institut canadien de Québec et sa Maison de la littérature.

Cette volonté d’identifier un patrimoine des pratiques littéraires numériques doit aussi procéder, sur un tout autre plan, à un inventaire des œuvres littéraires québécoises publiées en contexte numérique, depuis les premiers cédéroms jusqu’aux blogues, œuvres numériques ou publications web plus récents. Inexistante, la liste de ce corpus étonne par les réalités qu’elle met au jour : quelques centaines de titres, répartis à travers les dernières décennies, témoignent d’une riche pratique d’écriture et de publication autonome. Ce volet « paléonumérique » du PLiNe doit venir compléter en le densifiant le répertoire des autrices, des auteurs et des œuvres, constitué dans le cadre d’Opuscules, et permettre de dynamiser un ensemble de recherches sur l’inflexion des pratiques littéraires par la culture numérique.

Une autre plateforme en accès libre, lancée en mai 2021, est le projet Lab-yrinthe, un Laboratoire virtuel de l’édition et de l’éducation aux œuvres numériques jeunesse. Des enjeux majeurs freinent le développement de l’offre numérique jeunesse et de son appropriation par les éducateurs (enseignants, bibliothécaires), entre autres la découvrabilité de l’offre, le besoin d’une meilleure communication entre les sphères académiques et de production, ainsi que la nécessité d’une meilleure compréhension du grand public de ces enjeux (Lieutier, Lacelle et Acerra 2021). Prenant la forme d’un site internet interactif riche en ressources didactiques et outils conceptuels, Lab-yrinthe fonctionne comme un hub mettant au service des éditeurs et des éducateurs des connaissances scientifiques sur la production, la diffusion et la réception des œuvres numériques jeunesse. Lab-yrinthe présente un catalogue d’œuvres littéraires numériques québécoises hétérogènes où figurent des livres enrichis, des applications pour supports mobiles, des jeux vidéo narratifs, des narrations géolocalisées, des créations en réalité augmentée, des performances de théâtre interactif, des installations virtuelles et des balados. Dans un effort de description de ces œuvres, une équipe de chercheuses et de chercheurs a conçu des paramètres descriptifs qui articulent les dimensions sémiotiques, médiatiques et technologiques à partir desquelles des activités de découverte sont proposées (Acerra et al. 2021). Les projets de cocréation d’activités de production et de découverte des œuvres numériques réalisés avec des partenaires des milieux culturels (Télé-Québec, BAnQ, Festival de la Poésie de Montréal, Bibliopresto, Salon du livre de Montréal, La Pastèque éditeur, la Puce à l’Oreille et éditions Fonfon) servent d’exemples pour illustrer les développements numériques du milieu littéraire jeunesse au Québec. L’accompagnement des partenaires culturels s’attachant à résoudre les points de rupture dans la chaine de production, de diffusion et de réception des contenus jeunesse numérique a montré l’efficacité et la pertinence des démarches de cocréation, ainsi que les bénéfices d’une collaboration entre les milieux éditorial, universitaire, éducatif et culturel. Les contenus de Lab-yrinthe s’appuient sur les résultats d’une recherche-action « Soutien au développement de démarches d’édition numérique jeunesse au Québec » menée entre 2017 et 2021 dans le cadre du programme d’actions concertées du Fonds de recherche du Québec – Société et Culture [FRQSC] et du Ministère de la culture et de la communication.

Un cinquième projet conjoint création littéraire, activités de réseautage et utilisation originale d’un réseau social. Particules – correspondances inattendues, présenté dans le cadre des Journées de la culture, organisées par Culture pour tous et LQM avec la collaboration du Mouvement Art Mobile, rassemble chaque année depuis trois ans, sur la plateforme Twitter, des écrivaines et des écrivains, des artistes en arts visuels et des participantes et participants du public en provenance des quatre coins du Québec et d’ailleurs. À l’automne 2020, le thème choisi pour l’événement était « Quelle chambre à soi ? », référence assumée à l’œuvre de Virginia Woolf et façon aussi de lier écriture confinée et participation à un projet collectif, essentiellement délocalisé, de création où la diversité des voix et des pratiques a su s’imposer. À la suite de l’événement, le Musée d’art de Joliette a accepté de concevoir, dans le cadre de son projet de « Musée en quarantaine », une exposition virtuelle à partir d’une sélection des contributions textuelles et visuelles du grand public. Avec Particules, la dynamique mise en place par le partenariat a su générer un intérêt qui a aisément débordé les cadres initiaux du projet, ce qui en montre la très grande vitalité, aidée peut-être en cela par un confinement qui favorise une certaine intensification numérique – une intensification décriée, mais réelle.

Conclusion

Les projets décrits dans la dernière section ne représentent qu’un échantillon de la programmation de Littérature québécoise mobile, qui comprend aussi des offres de formation, des structures d’accompagnement, ainsi que le développement d’outils favorisant une littératie numérique de la littérature.

L’objectif premier de LQM, on le comprend sans peine, est de chercher explicitement à accroître la présence de la littérature québécoise sur les plateformes numériques et à approfondir un savoir-faire sur l’écriture numérique mobile afin de produire de nouvelles formes littéraires. Par la même occasion, le partenariat entend aussi démontrer que les développements d’une culture numérique ne se font pas au détriment de la culture littéraire et que culture du livre et culture de l’écran peuvent non seulement coexister, mais se compléter. On verra d’ici quelques années quels seront les résultats de cette entreprise, nécessaire mais étonnamment précaire. Car, LQM doit composer non seulement avec des résistances face à une logique accélérée de transformations techniques qui déstabilisent les communautés et les pratiques, mais aussi avec un contexte sanitaire complexe qui, en même temps, intensifie notre recours aux plateformes et aux dispositifs numériques. Cette intensification numérique que nous venons de connaître ne vient pas sans conséquences, mais il est encore trop tôt pour en prendre réellement la mesure.

Reconnaissance

Les rédacteurs en chef invités remercient le Conseil de recherches en sciences humaines pour l’aide financière accordée.

Intérêts Concurrents

Les auteurs n’ont aucun intérêt concurrentiel à déclarer

Les contributions de l’auteur

Contributions des auteurs

Noms et initiales des auteurs:

Bertrand Gervais, bg

René Audet, ra

Nathalie Lacelle, nl

Les auteurs sont classés par ordre décroissant selon l’importance de la contribution.

L’auteur correspondant est:

Conceptualisation : bg, ra, nl

Enquête : bg, ra, nl

Traitement des données :

Analyse formelle :

Rédaction – Préparation du brouillon original : bg, ra, nl

Rédaction – Révision et édition : bg, ra, nl

Visualisation :

Contributions éditoriales

Rédacteurs en chef invités:

Marie-Claude Larouche, professeure titulaire, Département des sciences de l’éducation, co-directrice depuis 2018 du Laboratoire de recherche sur les publics de la culture (lrpc.ca), Université du Québec à Trois-Rivières, Canada

Hervé Guay, professeur titulaire et directeur, Département de lettres et communication sociale, co-directeur de 2015 à 2021 du Laboratoire de recherche sur les publics de la culture (lrpc.ca), Université du Québec à Trois-Rivières, Canada

Contributions de l’équipe éditorial DSCN

Redactrice-en-chef:

Émilie Rouillard-Beauchesne, The Journal Incubator, Université de Montréal, Canada

Redactrice de bibliograpie et citations:

Morgan Pearce, The Journal Incubator, University of Lethbridge, Canada

Éditrice de mise en page:

Christa Avram, The Journal Incubator, University of Lethbridge, Canada

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Sites web des organismes mentionnés:

Agence TOPO

BAnQ

Bibliopresto

CRILCQ : recensement des initiatives culturelles pour contourner l’isolement causé par la covid-19

Culture pour tous

Éditions Fonfon

Festival de la Poésie de Montréal

Groupe de recherche en littératie médiatique multimodale

Koumbit

La Pastèque éditeur

La Puce à l’oreille

Les journées de la culture. Particules – correspondances inattendues

Laboratoire Ex situ

Laboratoire NT2

Lab-yrinthe

Littérature québécoise mobile

Maison de la poésie de Montréal

Maison de la littérature

Mouvement Art Mobile

Musée en quarantaine : Particules - correspondances inattendues

Opuscules

Productions Rhizome

Salon du livre de Montréal

Télé-Québec

UNEQ